
Communication interne vs externe : deux faces d’une même stratégie
8 octobre 2025Cohérence, transparence, écoute : les vrais moteurs du changement
La transformation ne passe pas juste par un outil : l'humain lui donne vie
Chaque jour, des entreprises lancent de nouveaux projets de transformation : réorganisation interne, évolution d’un modèle économique, digitalisation, nouveau système d’information…
Tous ces projets ont un point commun : ils visent à faire évoluer la manière de travailler, de collaborer, ou de servir les clients.
Mais malgré les ambitions et les moyens déployés (investissement, ressources,…), dure est la réalité :
➖ d'1/3 des transformations atteignent pleinement leurs objectifs (McKinsey, 2021).
Les causes ne sont pas techniques. Elles sont humaines.
Les raisons sont multiples : manque de sens, déficit d’adhésion, mauvaise gestion de la peur du changement, saturation face à des initiatives successives… Et bien souvent, cela résulte d’un défaut de communication.
Et oui, on ne transforme pas une organisation en ayant recours à un 49.3 (même si ça pourrait faciliter la vie de certains !). On la transforme en donnant du sens au projet, en écoutant, en expliquant, en créant de la cohérence.
Autrement dit : en communiquant.
1. La communication, un rouage capital de la transformation
La communication rend possible la conduite du changement. Elle permet de :
- relier la vision stratégique au quotidien opérationnel,
- transformer une annonce en engagement et adhésion,
- donner une place à chacun dans l’histoire collective d’un projet.

Les recherches menées par Prosci, spécialiste mondial de la conduite du changement, montrent que les organisations qui combinent clarté (sens, transparence, cohérence) et continuité (fréquence, écoute, adaptation) ont 6 fois plus de chances de réussir leur transformation que celles qui ne l’intègrent pas dans leur plan de conduite du changement.
Et pourtant, la plupart des entreprises continuent de penser la communication comme un basique support en 2 étapes :
- On définit un plan de projet,
- puis on demande aux équipes communication de le diffuser !
Grave erreur !
Quand la communication n’est pas pensée dès le démarrage du projet et qu’elle intervient trop tard, il faut ensuite rattraper les incompréhensions, corriger les erreurs d’interprétation et réengager les équipes. Soit minimum deux fois plus de travail nécessaire pour faire adopter le changement ! Qui dit plus de travail dit aussi coût supplémentaire …
Ce que je pense :
On ne communique pas sur un projet de transformation.
On communique pour transformer.
2. Cohérence, transparence, dialogue : la base de toute communication dans une transformation
Je ne sais pas faire autrement : mes valeurs se retranscrivent dans ma vie personnelle et professionnelle.
Quand je travaille une stratégie de communication, je m’appuie sur ces trois valeurs :
Trois mots simples, mais qui pour moi changent tout dans la manière de faire passer un message, d’embarquer une organisation et de faciliter l’adoption du changement.
Cohérence
Transparence
Dialogue
A. Dire ce qu’on fait, faire ce qu’on dit
Cohérence
Un discours fort ne compensera jamais, ô grand jamais, un décalage entre les mots et les actes.
Si on parle “d’autonomie” tout en imposant un contrôle excessif, le message devient contradictoire.
Si une direction met en avant la “collaboration” alors que toutes les décisions sont prises à huit clos, la confiance des collaborateurs s’effrite aussitôt.
A force de promesses non tenues, les mots perdent leur sens. Et quand les mots perdent leur sens, les équipes perdent confiance…
B. Parler vrai, même quand tout n’est pas parfait
Transparence
Selon une enquête Talk Spirit / IPSOS 2024, seulement 12% des collaborateurs trouvent leur entreprise complètement transparente.
Et pourtant, la transparence est un facteur clé de maturité collective.
Dire la vérité, même partielle, c’est reconnaître la complexité d’un projet de ce type. Assumer qu’on n’a pas toutes les réponses, tout de suite, humanise une équipe dirigeante — et les collaborateurs y voient un signe de respect, non pas de faiblesse.
Être transparent, c’est aussi créer de la confiance et éviter les rumeurs qui peuvent être bien plus destructrices qu’un doute parfaitement assumé.
C. Ecouter, impliquer, ajuster
Dialogue
La communication n’est pas un monologue descendant.
C’est un échange permanent entre ceux qui pilotent la transformation et ceux qui la vivent au quotidien.
Dans un projet de transformation, les feedbacks du terrain sont nécessaires : ils permettent de comprendre les points de friction, de valoriser les succès et d’adapter le rythme du changement.
Mais l’écoute ne suffit pas : encourager les équipes à être force de proposition change la dynamique. Leur donner la possibilité de suggérer des idées, d’expérimenter, d’enrichir le projet, crée une certaine co-responsabilité et l’appropriation du projet par le plus grand nombre.
Cette posture d’ouverture renforce la confiance et l’adhésion ; chacun se sent reconnu et utile dans la construction du changement.
Comme dans ma vie, ces trois mots, cohérence, transparence, dialogue, guident également ma manière de communiquer.
Seuls, ils ne suffisent pas ; la méthode est tout aussi essentielle.
La réussite d’une communication de transformation repose aussi sur une lecture fine du système, une connaissance et compréhension des audiences et une stratégie d’adaptation continue.
3. Les 4 méthodologies au service de l’adhésion
A. L’approche systémique
Définition : considérer l’organisation comme un système vivant, composé d’éléments interdépendants (processus, personnes, outils, culture, environnement).
Imaginons un château de cartes : lorsqu’on déplace une carte, c’est l’ensemble de la structure qui se trouve fragilisé. Il en va de même pour une organisation.
Chaque décision, chaque évolution, chaque incident peut avoir des effets en chaîne sur le reste du système.
Prendre du recul et garder une vue d’ensemble sur tous les paramètres est nécessaire pour trouver le bon équilibre et ainsi faire évoluer sans déséquilibrer, transformer sans faire vaciller.

Pour aller plus loin : comprendre la pensée systémique
L’approche systémique propose une lecture globale et dynamique des organisations.
Elle ne cherche pas à simplifier la complexité, mais à la comprendre dans son ensemble, en observant les liens, les influences et les rétroactions entre les différentes composantes du système.
Contrairement à la pensée analytique — qui cherche les causes d’un problème en décomposant la réalité — la pensée systémique s’intéresse à la manière dont tout interagit.
Elle part du présent pour se projeter vers l’avenir :
Que voulons-nous transformer ? Et comment ce changement va-t-il impacter le reste du système ?
C’est une démarche qui aide à anticiper les effets collatéraux, à préserver les équilibres essentiels et à piloter la transformation avec lucidité.
Appliquer une approche systémique à la communication, c’est :
- comprendre les interactions entre les acteurs avant de lancer le message,
- anticiper les effets de “chaîne” (un changement technique crée souvent une onde émotionnelle),
- adapter les messages à chaque niveau du système.
L’approche systémique analyse le projet dans son ensemble et permet de comprendre les interactions, les dépendances et les équilibres à préserver dans une transformation.
Mais pour agir efficacement, il faut aussi s’intéresser de près aux parties prenantes : les personnes qui composent ce système et de prendre le temps de connaître leurs besoins, leurs peurs et leurs niveaux d’engagement. Chaque personne est unique ; elle vit donc le changement différemment de son collègue.
C’est là qu’intervient une autre méthodologie essentielle pour construire une communication juste et incarnée : l’identification des personae.
B. L’identification des personae
Définition : les personae sont des portraits types des acteurs impactés ou impliqués dans une transformation.
Ils peuvent être internes (collaborateurs, managers, dirigeants…) ou externes (clients, fournisseurs, partenaires).

Cette approche, souvent utilisée en marketing, est à mes yeux indispensable dès le démarrage d’un projet de transformation.
Lorsqu’ils sont bien construits, les personae se révèlent être un outil redoutablement efficace pour orienter la communication et renforcer l’adhésion.
Quelques éléments essentiels à travailler :
- cerner les motivations (“qu’est-ce que j’y gagne ?”),
- anticiper les résistances (“qu’est-ce que je risque ? De quoi aies-je peur ?”),
- adapter les canaux et le ton à chaque profil.
Exemple
Pour un client avec lequel je collabore sur une projet de transformation stratégique à l’échelle du groupe, nous avons identifié plusieurs personae selon leur rôle dans le projet :
- L'équipe Core – au cœur du projet, elle pilote et coordonne les décisions.
- Les leaders – sponsors et managers relais, garants de l’alignement stratégique.
- Les ambassadeurs – relais du changement au sein des équipes, vecteurs de sens et d’adhésion.
- Les utilisateurs clés – utilisateurs experts, futurs référents terrain dans l’adoption des nouveaux outils.
La stratégie de communication a été pensée pour s’adapter à chacun de ses profils, à leur niveau d’implication et de maturité :
- messages différenciés,
- formats de contenus, canaux de communication adaptés,
- et points de contact spécifiques selon leur rôle dans la chaîne du changement.
Une fois que les acteurs du changement sont identifiés, il faut également savoir où ils en sont dans leur cheminement émotionnel et cognitif face à ce changement.
C’est là que la courbe du changement entre en jeu.
C. La courbe du changement
Définition : La courbe du changement, inspirée des travaux d’Elisabeth Kübler-Ross sur le deuil, est un modèle illustrant les étapes émotionnelles et cognitives typiques que traversent les individus face à un changement.
Elle rappelle une chose essentielle : changer ne se fait pas d’un seul élan.
C’est un chemin, souvent sinueux, fait de phases d’incompréhension, de doute… puis de réappropriation.
Les 9 étapes de la courbe du changement
1
Choc
“Quoi ? On change encore ?”
👉 Le changement arrive brutalement. Les équipes sont surprises, parfois figées.
Objectif : annoncer avec clarté, poser un cadre rassurant, donner du sens à la décision.
Rôle de la communication : préparer le terrain, informer rapidement et éviter les silences qui alimentent les rumeurs.
2
Déni
“Ce projet ne me concerne pas vraiment.”
👉 Les individus minimisent l’impact du projet ou refusent d’y croire.
Objectif : informer clairement sur le pourquoi du changement et son impact réel.
Rôle de la communication : rendre visible la vision, expliquer les raisons, apaiser les incertitudes et commencer à relier le projet au quotidien des équipes.
3
Colère
“C’est injuste, on ne nous a pas consultés.”
👉 La frustration s’exprime, les résistances apparaissent.
Objectif : écouter, reconnaître les émotions, ouvrir des espaces d’échange sans chercher à convaincre trop tôt.
Rôle de la communication : encourager la parole, mettre en place des temps d’écoute, valoriser les remontées constructives et maintenir une posture d’ouverture sans fléchir sur l’intention.
4
Négociation
“D’accord, mais à condition que…”
👉 Les équipes cherchent à reprendre du contrôle ou à influencer le projet.
Objectif : co-construire, impliquer, proposer des marges de manœuvre.
Rôle de la communication : valoriser la contribution des équipes dans un cadre fixé, encourager les propositions, formaliser les ajustements décidés collectivement.
5
Dépression
“À quoi bon…”
👉 L’énergie baisse, la lassitude s’installe, les repères se brouillent.
Objectif : redonner du sens, rappeler les réussites, valoriser les efforts.
Rôle de la communication : redonner du cadre, re-clarifier les rôles, soutenir les managers, partager des témoignages positifs et des repères concrets.
6
Acceptation
“Bon, je vois où on veut aller.”
👉 Le sens commence à émerger, les tensions s’apaisent.
Objectif : accompagner, rassurer, clarifier les étapes suivantes.
Rôle de la communication : rendre visibles les progrès, encourager la participation, montrer les bénéfices concrets.
7
Expérimentation
"Et si on essayait ?”
👉 Le sens commence à émerger, les tensions s’apaisent.
Objectif : accompagner, rassurer, clarifier les étapes suivantes.
Rôle de la communication : mettre en avant les succès, encourager la participation, montrer les bénéfices concrets.
8
Décision
“Je choisis d’y aller.”
👉 L’adhésion devient consciente et volontaire.
Objectif : consolider l’engagement et renforcer les relais internes.
Rôle de la communication : valoriser les réussites collectives, donner la parole aux ambassadeurs, renforcer le sentiment d’appartenance au projet.
9
Intégration
“C’est devenu notre façon de faire.”
👉 Le changement est assimilé, les nouvelles pratiques sont ancrées dans le quotidien.
Objectif : célébrer, capitaliser, entretenir la dynamique collective.
Rôle de la communication : pérenniser la culture du changement, maintenir le lien, et diffuser les apprentissages pour les projets futurs.
La courbe du changement montre à quel point les individus vivent la transformation de manière émotionnelle. Les équipes ne progressent pas toutes au même rythme, ni avec la même confiance.
Alors, comment relier toutes ces étapes ? Comment donner du sens au parcours collectif sans perdre le fil ?
La réponse tient souvent en une phrase simple : il faut raconter une histoire.
Parce qu’une transformation, ce n’est pas qu’une succession d’étapes ou de livrables : c’est une histoire qui se vit, qui se raconte, et dans laquelle chaque acteur doit pouvoir se reconnaître.
D. Le storytelling
Définition : Transformer une suite d’actions en récit cohérent qui relie le passé, le présent et le futur. Raconter une histoire, c’est donner une âme au changement.
Ce n’est plus seulement “informer”, mais faire ressentir, faire comprendre, et faire adhérer.
Le récit permet de relier les moments clés du projet — les hauts, les bas, les hésitations, les réussites — pour construire une vision commune et fédératrice.
L’objectif est de donner à chacun une place dans le récit.
Faire comprendre non seulement ce qui change, mais aussi pourquoi on le fait et comment chacun y contribue.
C’est ce fil conducteur qui maintient la cohérence et l’émotion du discours tout au long du projet.
Exemple
Au lieu de dire : “Nous changeons notre système de production.”
On peut utiliser le discours suivant : “Nous faisons évoluer nos outils pour produire mieux, consommer moins et préserver ce qui compte vraiment : la qualité et la planète.”
En communication, le “pourquoi” touche là où le “quoi” informe.
Ce type de narration rend la transformation désirable — pas seulement compréhensible.
👉 Pourquoi ça fonctionne ?
Parce qu’une histoire donne du souffle. Elle parle au cœur autant qu’à la tête.
Elle transforme une succession d’actions en un récit de progrès — et permet à chacun de se dire : “j’en fais partie.”
Là où la stratégie explique, le storytelling fait ressentir.
Et c’est cette émotion partagée qui ancre durablement la transformation.
Comprendre les émotions, donner du sens et construire un récit, c’est le cœur de la réussite.
Mais pour que cette histoire s’incarne concrètement, encore faut-il la traduire en une stratégie de communication claire, cohérente et vivante.
C’est ce que nous allons voir maintenant : comment construire, tester et ajuster sa stratégie au fil du projet.
4. Construire une stratégie de communication de transformation
Une communication efficace ne s’improvise pas : elle se structure, se teste et s’ajuste, du premier au dernier jour du projet.
Voici les étapes clés que je mets en place dans mes accompagnements :
- Définir les objectifs de communication : comprendre, faire adhérer, agir.
- Identifier les audiences (internes et externes).
- Poser les messages clés, définir les canaux de communication, la fréquence de diffusion ainsi que les indicateurs de réussite / KPIs (taux de lecture, participation, feedbacks).
- Formaliser le storytelling du projet :
- ce qui va être le fil rouge des messages,
- Quelles valeurs on veut faire transparaître,
- Quelle promesse mettre en avant.
Le tout avec cohérence, transparence et écoute.
Un plan de communication n’a de valeur que s’il est compris et partagé.
Une fois construit, il est important de le discuter avec :
- la direction, pour l’alignement stratégique,
- les RH, pour la cohérence culturelle,
- les managers, pour la lisibilité opérationnelle,
- les ambassadeurs, pour la crédibilité terrain.
Ces échanges permettent d’identifier les zones de flou, les risques d’interprétation et d’enrichir le plan avec la réalité du terrain.
Checklist de validation d’un plan de communication de transformation
- Les messages sont-ils cohérents avec les décisions ?
- Les canaux choisis sont-ils accessibles à tous ?
- Les managers ont-ils les clés pour relayer les messages ?
- La temporalité suit-elle la courbe du changement ?
- Un espace d’écoute est-il prévu ?
La communication de transformation n’est jamais figée.
Elle évolue avec :
- la maturité des équipes,
- les retours terrain,
- les imprévus du projet,
- la courbe du changement.
L’enjeu n’est pas de tout prévoir, mais d’apprendre à réagir.
Les outils ? Baromètres internes, sondages flash, feedbacks managers, ateliers d’écoute.
Chaque retour devient une opportunité d’ajustement.
5. Mon approche : humaine, systémique et pragmatique
1Analyser le système existant
Comprendre les relations entre équipes, outils, process et culture pour identifier les zones d’impact.2Identifier les personae internes
Cerner les attentes, les résistances et les leviers d’engagement pour chaque groupe clé.3Construire le récit de transformation
Une histoire claire et inspirante, alignée sur la culture de l’entreprise.4Co-construire la stratégie de communication
Validation avec les parties prenantes, ajustements collectifs, intégration du feedback.5Déployer progressivement et mesurer l’adhésion
En s’appuyant sur des formats humains (vidéos, ateliers, témoignages, newsletters ciblées).6Faire évoluer la communication au fil du projet
Adapter les messages et formats selon la courbe du changement et les signaux du terrain.
6. Pour transformer, on ne peut se passer de communiquer
Fil invisible qui relie la vision, les actions et les émotions, la communication tisse les maillages du projet.
Sans elle, le changement reste une suite de décisions techniques.
Avec elle, il devient une aventure collective.
Parce qu’une transformation réussie, ce n’est pas celle qui coche des étapes.
C’est celle qui laisse une trace — humaine, durable, partagée.



